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Comment tenir compte des émotions dans la formation à distance ?

Des émotions bien présentes, même à distance

 

Contrairement à une idée reçue, la formation à distance n’atténue pas les émotions des apprenants : elle les transforme et, parfois, les amplifie. Isolement, frustration technique, perte de repères ou au contraire soulagement d’éviter l’exposition au groupe… autant de ressentis que les formateurs doivent anticiper et accompagner. Loin de la neutralité supposée des écrans, le distanciel est un environnement émotionnel riche, mais souvent invisible. Pour que les apprentissages s’ancrent durablement, il est essentiel de créer une atmosphère relationnelle qui soutienne l’engagement émotionnel.

Tenir compte des émotions à distance, c’est d’abord reconnaître qu’apprendre depuis chez soi peut susciter du stress, une perte de motivation ou un sentiment de solitude. Il ne s’agit pas de compenser entièrement la présence physique, mais d’activer des leviers spécifiques pour garder le lien humain. La voix du formateur, les messages personnalisés, les temps d’accueil chaleureux ou les interactions synchrones ont un fort pouvoir émotionnel.

 

Créer un climat relationnel porteur à travers l’écran

 

En formation à distance, les émotions circulent autrement : les expressions faciales sont parfois masquées, les silences sont plus pesants, les malentendus plus fréquents. Pour y faire face, il est crucial de poser un cadre de confiance dès le départ : des consignes claires, un accueil individualisé, des rituels d’ouverture ou de clôture, et surtout une présence régulière du formateur, même discrète, créent un ancrage émotionnel rassurant. 

À distance, il devient essentiel de rendre cette dimension émotionnelle visible et audible. Cela peut passer par des rituels explicites, des temps de recentrage, des espaces d’expression, qui donnent à l’apprenant la possibilité d’habiter pleinement son expérience. En synchrone comme en asynchrone, le formateur peut chercher à capter des signaux faibles, moins facilement perceptibles qu’en présentiel, en instaurant des moments de retour, d’écoute ou de régulation.

Les outils numériques offrent aussi des opportunités : les sondages d’humeur, les émojis dans les discussions, les tableaux partagés pour exprimer ses ressentis, ou encore les temps d’échange informels contribuent à humaniser la distance. Encourager les apprenants à partager leurs émotions — sans jamais les forcer — permet de développer un climat de sécurité psychologique et de cohésion de groupe, même en ligne.

Par ailleurs, donner de la place à la parole émotionnelle dans les retours (sur les activités, les difficultés, les réussites) permet de valoriser les ressentis, de les intégrer dans une logique formative, et d’éviter qu’ils ne deviennent des freins invisibles à l’apprentissage.

 

Vers une pédagogie du lien à distance

 

Tenir compte des émotions en formation à distance, c’est adopter une posture d’accompagnement plus attentive, plus relationnelle, mais aussi plus humble. L’écran impose une médiation constante : il faut redoubler d’attention aux signaux faibles, inviter les apprenants à s’exprimer autrement, et accepter que tout ne soit pas visible. Cela suppose d’outiller les formateurs pour qu’ils soient à l’aise avec cette dimension émotionnelle et qu’ils sachent la prendre en compte sans s’y perdre.

Cette pédagogie du lien implique aussi de diversifier les modalités pour répondre aux besoins émotionnels variés des apprenants : proposer du synchrone et de l’asynchrone, de l’individuel et du collectif, du formel et de l’informel. L’objectif n’est pas de tout maîtriser, mais d’ouvrir des espaces où chacun peut se sentir reconnu et soutenu, autant en synchrone qu’en asynchrone Cela questionne sur la manière d’identifier les blocages, les questionnements, les difficultés, qui au mieux se traduisent par des émotions mais qui peuvent rester latentes voire invisibles si l’on ne prend pas l’initiative de les explorer activement.

Former à distance en tenant compte des émotions, c’est cultiver la qualité de présence, même sans être physiquement là. C’est faire de la bienveillance, de l’écoute et du soin relationnel des piliers pédagogiques. Et c’est, surtout, croire que derrière chaque écran, il y a un être humain en cheminement.

Prendre en compte les émotions en formation, c’est donc reconnaître la dimension mouvante, instable, mais profondément humaine de l’apprentissage. C’est admettre que celui-ci n’est pas un processus linéaire : l’apprenant avance, parfois recule, traverse des phases de doute, de blocage ou de remise en question. Cela se confirme autant en présentiel qu’à distance. Au moment où on s’appuie autant sur la progression de l’apprenant que ces moments où celui-ci s’interrompt, s’interroge, on peut finalement faire de l’émotion un point d’entrée d’une réflexion, voire d’un objet de réflexion en soi. En tenir compte activement favorise une prise de conscience de soi, une manière de penser, d’agir. En d’autres termes, c’est une clef d’entrée pour initier un travail réflexif. 

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