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Les émotions, clés de voûte de l’apprentissage

Les émotions, des alliées de l’apprentissage

 

Les émotions ne sont pas des éléments périphériques dans les situations d’apprentissage : elles en sont le cœur vivant. La recherche en sciences cognitives a démontré que les émotions influencent directement les capacités de concentration, de mémorisation et de réflexion. Une émotion positive – comme la curiosité, la joie ou la fierté – agit comme un moteur qui rend l’apprenant disponible et actif. À l’inverse, l’anxiété, la peur du jugement ou l’ennui peuvent altérer la motivation, détourner l’attention et provoquer des blocages cognitifs.

Dans un contexte pédagogique, reconnaître l’impact des émotions permet d’adopter des stratégies de formation plus humaines et efficaces. L’apprentissage durable repose sur une implication affective de l’apprenant. Par exemple, un formateur qui instaure un climat bienveillant favorise l’émergence d’un environnement de confiance, condition préalable à l’engagement, à la prise de risque, à l’exploration et au développement des compétences.

Intégrer cette dimension émotionnelle ne signifie pas devenir psychologue, mais prendre en compte la réalité sensible de chaque personne : ses inquiétudes, ses attentes, ses joies et ses besoins de reconnaissance. C’est aussi sortir d’une vision techniciste de la formation pour réaffirmer l’importance du lien humain dans la transmission des savoirs.

 

Cultiver l’intelligence émotionnelle en formation

 

L’intelligence émotionnelle – c’est-à-dire la capacité à reconnaître, comprendre, exprimer et réguler ses émotions – est une compétence essentielle à développer dans tout parcours d’apprentissage.  

C’est ce que souligne Santé Publique France dans son rapport sur les compétences psychosociales. Parmi celles-ci, les compétences émotionnelles — comme la capacité à reconnaître et à réguler ses émotions — jouent un rôle central. Elles sont essentielles au développement global des enfants, à leur bien-être et à leur santé, et ce, dès le plus jeune âge. Santé Publique France insiste non seulement sur l’importance de l’apprentissage de ces compétences pour la santé des jeunes enfants, mais aussi sur leur impact positif sur la réussite éducative. En effet, leur acquisition contribue à l’amélioration du climat scolaire, des résultats académiques et de l’insertion professionnelle. 

Mais pour que cet apprentissage soit réellement efficace, il est indispensable de créer un espace où les émotions ont pleinement leur place dans les pratiques pédagogiques, tant pour les enfants que pour les adultes. Pour les apprenants comme pour les formateurs, savoir écouter ses ressentis et ceux des autres permet d’interagir plus sereinement, de mieux gérer les tensions et de renforcer la coopération au sein du groupe. En pédagogie active, les émotions jouent un rôle fondamental dans la dynamique de groupe. Une activité collaborative bien conçue peut susciter de la joie, de l’enthousiasme ou un sentiment d’appartenance, autant d’éléments qui favorisent la mobilisation des connaissances. Par ailleurs, travailler sur l’émotion liée à l’échec, en la dédramatisant, permet de faire émerger une posture réflexive plutôt que défensive.

Les outils ne manquent pas pour favoriser cette intelligence émotionnelle : cercles de parole, météo des émotions, feedback constructifs, journal de bord émotionnel, médiations artistiques… Ce sont autant de leviers pour encourager la conscience de soi et des autres, avec des effets positifs à long terme sur l’engagement et l’autonomie des apprenants. 

 

Vers une pédagogie sensible et engagée

 

Faire une place aux émotions en pédagogie, c’est aussi affirmer une vision éthique et engagée de l’acte éducatif. Dans un monde marqué par l’incertitude, la complexité et les transitions, il devient essentiel de former des individus capables non seulement de raisonner, mais aussi de ressentir, de s’émouvoir, de coopérer et de prendre soin des autres. Une pédagogie sensible développe l’empathie, le sens du collectif et l’attention portée au vivant.

C’est également une pédagogie qui assume sa dimension politique : reconnaître les émotions, c’est remettre du vivant dans l’apprentissage, redonner une voix à celles et ceux dont les émotions sont souvent invisibilisées ou jugées non légitimes. Cela suppose pour le formateur de questionner ses propres représentations, ses automatismes, et d’oser sortir d’une posture strictement descendante pour accueillir l’altérité de l’autre dans toutes ses dimensions. C’est un aspect qu’on a abordé dans le parcours 2 du MOOC 1001 Parcours – Innover en pédagogie. Ce parcours s’attache à explorer les posture du formateur à l’heure de l’Anthropocène. Nous soutenons que l’une des compétences à développer est bien la gestion des émotions en apprentissage. Or cela n’a rien d’évident. 

Inscrire les émotions au cœur de la pédagogie, c’est accepter que la formation ne soit pas qu’un transfert de compétences, mais une rencontre entre des êtres humains en transformation. C’est donc aussi accepter une part d’incertitude, d’imprévu, voire de vulnérabilité, inhérente au processus même d’apprentissage. Apprendre peut déstabiliser, bousculer les repères, réveiller des résistances. Il faut alors avoir le courage de traverser l’inconfort, de ne pas fuir ce qui se manifeste. Finalement, faire place aux émotions dans l’apprentissage c’est peut-être surtout assumer une pédagogie de la relation, du lien, de la résonance. En somme, une pédagogie vivante. 

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